La BCE se met à acheter des obligations d’Etat !
La décision annoncée par Mario Draghi ce jeudi 6 septembre a fait l’effet d’une bombe : la solution à la crise si longtemps repoussée par l’Allemagne vient d’être approuvée par le conseil de la BCE. Quels seront les marges de manœuvre de la BCE et ses conditions ? Et pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
Depuis quatre ans que la crise frappe le monde et l’Europe la zone euro tangue et se retrouve fréquemment en « zone rouge ». On ne compte d’ailleurs plus les fameux « sommets de la dernière chance » tenu entre les principaux pays victimes de la crise et les principaux pays contributeurs. La BCE a jusqu’ici mis en place deux mécanismes pour contrer la crise : le prêt de liquidités aux banques et la création du FESF (Fond européen de stabilité financière). La première solution a connu un succès plus que mitigé, les banques refusant de faire confiance aux autres acteurs économiques ou prêtant aux Etats à des taux équivalents aux marchés. Le deuxième mécanisme, sorte d’assurance pour les emprunteurs en cas de faillite de l’Etat, a été plus efficace et a régulièrement permis de calmer les marchés et de stabiliser les taux d’emprunts.
La BCE a aujourd’hui décidé de lancer un nouveau programme : le « Outright monetary transaction » (OMT) en raison de « perturbations graves observées sur le marché des obligations publiques qui proviennent de craintes infondées de la part des investisseurs sur la réversibilité de l’euro ». En clair la BCE estime que les investisseurs empruntent à des taux largement supérieurs à ce qu’ils devraient être. La banque centrale achètera sur le marché secondaire des obligations d’Etat de maturité allant de 1 à 3 ans et ne fixera « pas de limite quantitative » à ces achats. Elle se réserve donc l’option d’éteindre n’importe quel début de crise quel qu’en soit l’ampleur. Les pays qui veulent en bénéficier devront demander l’aide du FESF pour activer ce mécanisme. La BCE refuse aussi par cette procédure son statut d’emprunteur à taux privilégié et empruntera les obligations aux taux du marché. Ceci afin d’éviter que les créanciers privés ne cèdent en masse leurs obligation face à cette concurrence.
Cette décision intervient relativement tard compte tenu de ce que la zone euro a déjà traversé mais l’Allemagne s’est toujours opposée à un rachat en masse d’obligations européennes par la BCE ou « d’eurobonds », une dette européenne mutualisée. Ces pratiques sont monnaies courantes pour les autres banques centrales mais l’Allemagne craint une montée de l’inflation (qu’elle tient en horreur) et une déresponsabilisation totale des fautifs. Les pays en difficulté voyant leur dette instantanément effacée, ils ne réformeraient pas leurs systèmes et continueraient à vivre à crédit. La Bundesbank s’est ainsi bruyamment opposée à ce projet et fulmine alors que Mario Draghi assure que la BCE est restée dans le cadre de son mandat et ne fait que faciliter les conditions de financement sans effacer l’ardoise.
La monnaie et les bourses européennes ont bien accueilli la nouvelle. Reste à savoir si l’Allemagne en fera autant…